Compréhension et communication chez K. R. POPPER

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2.1.2. Langage et critique

Nous avons signalé que loin de négliger la question du langage, Popper lui consacrait une place fondamentale dans son argumentation. Il considère, en effet, qu’il constitue l’origine de l’apparition de la connaissance objective (telle qu’il l’entend) par le développement de certaines fonctions, spécifiques au langage humain. Pour Popper - qui ne prétend pas avec cette idée être original - c’est le langage qui différencie l’homme de l’animal. Non pas parce que le second n’aurait pas de langage - il y a ce que l’on peut appeler des " langages animaux" (le plus célèbre, et l’un des plus évolués, étant celui des abeilles) - mais parce que le langage humain possède des fonctions qui font défaut aux langages animaux. C’est ce qui amène Popper, à la suite de K. Bühler dont il reprend en partie l’enseignement, à distinguer deux fonctions inférieures et deux fonctions supérieures. Or, " les langages humains partagent avec les langages animaux les deux fonctions inférieures du langage : l’expression de soi et l’échange de signaux " (C.O. III, 4 - p. 199). Popper considère avec Bühler que le langage, comme tout autre comportement, consiste en premier lieu en expressions ou en symptômes : c’est la fonction expressive du langage. En second lieu, puisque dès qu’il y a langage il y a communication, un langage peut se donner les moyens de déclencher des réactions chez un " récepteur" : c’est la fonction d’appel (ou conative) - elle cherche à entraîner une réaction qui sera une réponse, ce qui fait de ce comportement un signal.

Ces deux premières fonctions caractérisent en général les langages animaux. Toutefois il faut remarquer qu’elles sont distinctes ; Popper prend l’exemple d’un oiseau qui, prêt à s’envoler, l’exprimera par certains symptômes (e.g. un cri). Cela peut arriver sans influencer un second oiseau ; alors seule la première fonction sera-t-elle entrée en jeu. Mais il se peut que ledit cri provoque chez un autre oiseau une réaction (e.g. le rendre lui aussi prêt à s’envoler) ; dans ce cas, les deux fonctions seront conjointement présentes. Ce qui nous amène à établir que la première peut exister sans la seconde alors que l’inverse est impossible. Nous confirmerons cette idée par la suite.

Le langage humain, nous l’avons dit, se caractérise par le fait qu’il possède d’autres fonctions. D’une part, il peut décrire la réalité et les états de chose : c’est la fonction descriptive. Les énoncés produits seront alors susceptibles d’être vrais ou faux, ce qui est une dimension nouvelle. D’autre part, le langage humain a la capacité, la plus importante aux yeux de Popper, de comparer ou de présenter des explications et des argumentations relatives à des questions ou des problèmes précis : c’est la fonction argumentative. En plus d’être la plus élevée, elle est également la dernière à apparaître ; il peut exister des langages possédant les trois premières uniquement (ceux des enfants au stade où ils ne font que nommer les objets, par exemple). En revanche, lorsqu’elle est présente, toutes les autres le sont également. Ce qui confirme que chaque fonction " ne va pas sans celle qui la précède, alors qu’elle n’est pas nécessairement accompagnée de celle qui lui succède (dans l’ordre que nous venons de donner) " (C.R. 4, p. 204).

On voit mieux alors en quoi le langage et le discours sont indispensables à la connaissance et à la rationalité. Avec la troisième fonction (descriptive) apparaît la possibilité de produire des fictions (les mythes correspondent à ce stade) et des énoncés qui pourront être comparés avec la réalité. Mais pour qu’une réelle discussion s’engage, il faut la découverte de la possibilité de critiquer des raisonnements ou des descriptions en déclarant certains rapports faux ou incohérents ; seule l’apparition de la logique formelle, autrement dit du moyen de déterminer si une inférence est valide, permet l’essort de la fonction argumentative qui, au sein d’une tradition précise (la tradition critique, née en Grèce au VIème siècle avant J.-C.), s’efforce de démêler la confusion et l’ambivalence des descriptions au nom de plusieurs idées régulatrices. En ce qui concerne la dimension descriptive du langage, la norme est celle de vérité (qui correspond à une représentation correcte de la réalité) ; la fonction argumentative est, elle, régie par l’idée de validité - c’est l’idée régulatrice la plus importante pour Popper : " elle s’oppose aux sophismes et à la propagande qui mésusent du langage " (C.R. 4, p. 205). Nous rejoignons ici la conclusion de notre premier chapitre, où nous insistions sur l’aspect régulateur des considérations de Popper sur les questions de mots ; il défend de la sorte ce qu’il nomme la tradition de la raison, ou de la critique, i.e. " la discipline qui s’impos(e) de parler et de penser de manière claire " (id.)

On ne saurait trop insister sur le lien entre la critique et le langage (puisque seule une critique formulée linguistiquement d’une thèse elle-même formulée linguistiquement est possible - la critique d’un sentiment de conviction ou d’une douleur n’est pas concevable), comme sur le lien entre langage et objectivité. On peut dire à ce sujet que Popper est très proche de Kant dans le sens qu’il donne au terme " objectif" ; dans la Critique de la raison pure, Kant avance en effet comme critère de distinction entre objectif et subjectif " la possibilité de communiquer sa croyance et de la trouver valable pour tout homme ". Et le rôle du langage, selon Popper, est à cet endroit capital puisque c’est uniquement par l’extériorisation linguistique des croyances que peut commencer à se constituer le monde objectif des contenus de pensée. Aussi y-a-t-il bien " une grande différence entre penser simplement une idée et la formuler dans un langage " (P.S. II, Epilogue - p. 97) ; tant que l’on ne fait " que" penser une idée elle reste en proie au flot de ce que F. Jacques appelle joliment " nos labilités névrotiques " - elle ne donne pas lieu à une critique possible. " Pour être critiquable, elle doit être formulée en un langage humain et ainsi devenir un objet : un objet du Monde 3 " (id.)

Il est, pour des raisons que l’on pourrait qualifier d’intrinsèques, impossible de justifier l’attitude critique, à tout le moins pas en argumentant en sa faveur - on peut avancer un nombre important d’idées mais elles ne peuvent être des arguments au sens propre du terme puisqu’ils reposeraient sur une pétition de principe patente. Pour le même motif, on ne peut critiquer l’attitude critique ; ce serait en effet l’admettre par le fait même de vouloir argumenter à son encontre. On voit bien où est la pétition de principe ; elle est analogue à la défense aristotélicienne du Tiers exclu (en Métaphysique G , 7). De même que demander " le principe du Tiers exclu est-il vrai ou faux ? " est déjà le supposer acquis, demander " peut-on critiquer l’attitude critique ? " n’évite pas l’écueil du présupposé implicite qui rend la question caduque. C’est pourquoi ce que nous appellerons l’exigence critique n’est pas discutable en son fondement ; l’on peut débattre de certaines méthodes ou de certains procédés critiques, contester telle conception de l’attitude critique et, à ces sujets, argumenter réellement. Mais il est bien clair qu’au lieu de remettre en cause ladite attitude critique, les débats de ce genre ne font qu’abonder en son sens.

Il ne faut pas voir là une faiblesse de l’exigence critique - pas plus qu’une force - ; en revanche, cela amène à conclure qu’elle découle de l’emploi du langage. Dès que l’on dialogue, on est d’emblée dans la critique ; il ne s’agit pas de dire que c’est le seul mode de parole ou d’échange, mais que c’est probablement le seul mode de dialogue, sauf à prendre ce terme en un sens très faible. Pour peu que nous ouvrions les yeux et les oreilles, " nous évoluons d’emblée dans le champ de l’intersubjectivité, dans le feu croisé des propositions et de la critique rationnelle " (P.S. I, 7 - p. 207).

Ce qui caractérise le langage humain, pour Popper, et le différencie des langages animaux, c’est sa propension à développer des objets extérieurs ; alors que l’évolution animale " s’effectue pour l’essentiel, mais pas exclusivement, ou bien par la modification des organes (ou du comportement), ou bien par l’émergence de nouveaux organes (ou comportements) " (C.O. VI, 15 - pp. 360-361), l’évolution humaine est exosomatique. L’apparition de la fonction argumentative permet à l’homme de traiter de ses idées ou théories comme d’objets extérieurs à lui-même (au même titre qu’une maison ou une table) et ainsi, si elles s’avèrent incorrectes ou dangereuses, de les faire périr sans périr lui-même (comme on détruirait une habitation à risque sans laisser périr ses occupants), tandis que si les animaux ont, par exemple, des comportements inadaptés à leur milieu, ils risquent fort d’en mourir. L’émergence de la critique rationnelle est d’une certaine manière un stade biologique évolué dans une problématique d’adaptation au milieu de vie. Comme le dit Popper avec humour, " l’homme, au lieu de développer de meilleurs yeux ou de meilleures oreilles, développe les lunettes, les microscopes, les téléscopes, les téléphones et les prothèses auditives " (id. - p. 361). Et surtout, " au lieu de développer de meilleurs cerveaux ou de meilleures mémoires, nous développons le papier, les crayons, les stylos, (...) les presses d’imprimerie et les bibliothèques " (id.) Tout ceci renforce les dimensions descriptive et, spécialement, argumentative, du langage humain en contribuant à l’entreprise rationnelle de la critique et à son travail sur les objets du Monde 3.

C’est que, selon Popper, la tâche principale de l’homme, et par conséquent la fonction majeure des processus de pensée du Monde 2, est de comprendre les objets du Monde 3. Il est difficile de vivre sans s’y frotter, sans être confronté à des problèmes qui lui appartiennent. Ce qui pose le problème délicat de la compréhension desdits problèmes.

2.1.3. La compréhension objective

Fidèle à l’option de base de son épistémologie, Popper s’oppose aux théories de la compréhension qui se construisent en termes de Monde 2, autrement dit avec un point de vue psychologiste. Comme il refuse de laisser réduire toute la connaissance (et spécialement la connaissance scientifique) à un processus subjectif, il critique les théories dominantes dans l’herméneutique des " humanités" qui considèrent l’interprétation et la compréhension comme des activités uniquement psychologiques et subjectives. Ainsi qu’il le constate, " malgré la vogue de l’antipsychologisme qui commença avec les Recherches logiques de Husserl (...), le psychologisme - c’est-à-dire l’attitude qui consiste à négliger ou même à récuser le troisième monde - est toujours puissant, surtout parmi ceux qui s’intéressent à la théorie de la compréhension " (C.O. IV, 5 - p. 257, note 1). A son encontre, il soutient que c’est la compréhension d’objets du Monde 3 qui est le problème essentiel des humanités. Non pas qu’il n’y ait aucun processus personnel et psychologique dans l’activité de " compréhension" , mais parce que le but de cette activité, i.e. l’interprétation, bien qu’elle " puisse être un état subjectif de compréhension, (...) peut être également un objet du troisième monde, et notamment une théorie " (id. - p. 258) ; ce sera le cas, par exemple, d’une explication historique et des arguments qu’elle produira. En conséquence, il est légitime d’affirmer que tout acte subjectif de compréhension est, pour une large part, ancré dans le Monde 3, dans la mesure où il consiste en opérations sur des objets qui lui appartiennent.

C’est que tout processus de compréhension est régi par le schéma général de résolution des problèmes par conjectures et réfutations, que l’on peut symboliser, comme le fait Popper, de la manière suivante :

PS1 est le problème d’où l’on part ; les TSi sont l’ensemble des Tentatives de Solution (dans notre cas des essais d’interprétation) qui mènent chacune par différent biais, et au moyen de leur critique, à l’Elimination des Erreurs qui s’y peuvent trouver, après quoi la situation de problème telle qu’elle se présente est susceptible d’être différente et de donner lieu à un nouveau problème P2 (ou plusieurs P2i ). L’aspect " néo-darwinien" de ce schéma est dû à l’analogie claire que l’on peut effectuer entre l’idée de sélection naturelle et celle de progression par élimination de l’erreur ; Popper fait lui-même la comparaison (notamment dans Q.I. XXXVII) et écrit (p. 252) que " l’" essence" de la matière vivante est (...) la résolution de problèmes ". Quant audit schéma, bien que son champ d’application soit très vaste et qu’il opère sur des objets du Monde 3 (conjectures, arguments ...), " il constitue une analyse de ce que nous faisons dans notre deuxième monde subjectif quand nous essayons de comprendre " (C.O. IV, 6 - p. 261). On atteint une compréhension satisfaisante si la conjecture à laquelle on aboutit s’avère être fertile et mettre à jour des problèmes nouveaux, ou expliquer des sous-problèmes inattendus. En quoi elle peut être " corroborée" (au sens poppérien du terme) et laisser évaluer le progrès accompli entre P1 et P2.

On voit qu’il y a bien là quelque chose d’objectif, car tout individu doit être capable de juger dudit progrès et d’en discuter. Il ne s’agit donc pas de simple conviction intime. Popper rejette par ailleurs l’idée que dans l’activité de compréhension il y ait nécessairement un processus subjectif de réeffectuation (théorie défendue par Collingwood), de compréhension par sympathie ou empathie, i.e. avec un effort pour " se mettre à la place" de quelqu’un. On ne peut analyser la compréhension qu’en fonction des objets du Monde 3 avec lesquels elle est en relation, notamment l’état de ce que Popper appelle la situation de problème (autrement dit l’arrière-plan objectif : les thèses en présence, celles qui s’opposent, celles qui ont été déjà réfutées ...) Ainsi la bonne méthode relèvera-t-elle de l’analyse situationnelle, c’est-à-dire " un certain type d’explication conjecturale (...) d’une certaine action humaine, qui fait appel à la situation dans laquelle se trouve l’agent lui-même " (C.O. IV, 9 - p. 278). De la sorte, on voit que la compréhension, même si elle fait toujours référence à un individu (donc à certains processus mentaux du Monde 2), n’a de sens qu’en tant qu’elle met en jeu une certaine rationalité inhérente à son choix ou son action. En quoi elle est un métaproblème, i.e. un problème à propos d’un problème. En quoi également " on peut décrire cette méthode de l’analyse situationnelle comme une application du principe de rationalité " (id.) ; dans le cas de la compréhension historique au sens large (c’est-à-dire la compréhension des personnes et de leurs actions) il s’agit, " de manière conjecturale, de proposer une reconstruction idéalisée de la situation de problème dans laquelle s’est trouvé l’agent lui-même et de rendre, dans cette mesure, l’action compréhensible (ou " rationnellement compréhensible" ), c’est-à-dire adéquate à sa situation d’agent telle qu’il la percevait " (id.)

Popper prend pour exemple la théorie des marées de Galilée, en se demandant pourquoi il refusa l’hypothèse keplérienne de l’influence de la Lune et lui opposa celle de l’accélération dûe aux mouvements de la Terre. Si l’on considère que Galilée, d’une part était un farouche adversaire de l’idée astrologique d’une influence des planètes, et d’autre part travaillait avec un principe de conservation mécanique en ce qui concerne les mouvements de rotation - ce qui lui semblait exclure la possibilité même d’influences entre les planètes - , l’on peut atteindre une description satisfaisante de sa situation et acquérir une assez bonne compréhension historique du problème. On voit de cette manière que " la théorie de Galilée peut être objet de compréhension parce qu’elle découle des éléments de la situation problématique, c’est-à-dire de son refus des influences planétaires et de son principe de conservation (et, évidemment, de son copernicanisme) ". L’on comprend alors l’attitude de Galilée parce qu’elle est " rationnelle" , étant donné la situation objective dans laquelle il se trouvait ; c’est que " nous comprenons les hommes en vertu d’une certaine rationalité de leurs pensées et de leurs actions " (C.O. IV, 11 - p. 285).

Ce type de compréhension objective ne s’applique pas, bien entendu, qu’à l’histoire ; on peut tout à fait dire que l’on comprend une égalité mathématique, même si cette expression est vague et peut prendre plusieurs degrés. Popper signale que l’on peut, par exemple, comprendre la proposition 777 fois 111 égale 86 247 au sens où l’on comprend que c’est une égalité mathématique, ou au sens où l’on comprend le problème (trivial) qu’elle pose, ou encore au sens où l’on comprend que la solution est exacte ... Il y a là divers degrés de compréhension, que l’on pourrait éventuellement graduer en termes, disons, d’isolement : plus on peut relier une proposition de ce genre (ou une théorie scientifique complexe) avec d’autres théories ou problèmes objectifs, i.e. moins elle est isolée, plus la compréhension que l’on peut en avoir est " profonde" .

Ce qu’il faut retenir est que la compréhension ne peut se produire qu’eu égard à quelque chose d’objectif. Même si elle met souvent en jeu des éléments du Monde 2 (puisqu’il s’agit de problèmes qui se posent à des individus), elle n’a de sens que dans les rapports que ces éléments entretiennent, ou ont pu entretenir, avec des " objets" du Monde 3. C’est pourquoi l’on peut tout à fait avec Popper les nommer des intelligibles (au sens strict du terme, c’est-à-dire que l’on peut en avoir intelligence) et dire " qu’il s’agit d’objets possibles (ou virtuels) de notre compréhension " (C.O. IV, 7 - p. 263). Je ne peux pas affirmer que je comprends la rage de dents de quelqu’un (je puis éventuellement compatir, mais il n’y va pas de compréhension). En revanche, je peux comprendre qu’il décide d’aller chez le dentiste se faire soigner - personne ne s’en étonnera, d’ailleurs, car il s’agit d’élémentaire rationalité - ou à l’inverse ne pas comprendre qu’il refuse de s’y rendre ; mais si ladite personne m’explique qu’elle a été traumatisée pas une intervention chirurgicale passée particulièrement douloureuse, je pourrai finalement comprendre ses réticences, car j’aurai une meilleure connaissance de sa " situation de problème" - et il ne s’agira pas d’une sorte de compréhension subjective, mais bien de compréhension objective dans la mesure où ce que je saisis, ce qui m’est intelligible, n’est pas la douleur de cet individu ou sa crainte, mais la part de rationalité inhérente à son attitude. Je puis comprendre que la crainte du dentiste soit suffisante pour que quelqu’un rechigne à s’y rendre - même si ce n’est probablement pas le choix le plus raisonnable. Dans cette compréhension, bien qu’elle mette en jeu des éléments purement mentaux et subjectif (le traumatisme, la phobie ...), le ressort est objectif : il met en avant le lien fort qui existe entre Monde 3 et Monde 2, au sens où ce qui se passe dans le Monde 2 peut être contrôlé " plastiquement" par des normes objectives comme la cohérence entre une situation et une action. Qu’il s’agisse de théories scientifiques ou de choix individuels, j’ai " du mal à comprendre" si je ne perçois pas une cohérence interne.

En ce sens l’on peut dire qu’il n’existe rien comme une compréhension subjective, et qu’il ne faut pas réduire la compréhension aux sentiments qu’elle peut provoquer (conviction, doute ...) ; si ces derniers peuvent jouer un rôle, notamment dans la communication des idées, ils n’ont jamais fait comprendre quoi que ce soit - i.e. ce n’est pas l’exaltation de quelqu’un qui peut me faire comprendre l’idée qu’il défend (même si elle peut contribuer, pour le meilleur comme pour le pire, à ma persuasion), mais la compréhension objective que je puis en avoir. Encore faut-il, bien entendu, pouvoir distinguer suffisamment ce qui ressort de l’enthousiasme de ce qui est un argument réel, c’est-à-dire accessible à la critique ; l’on a si souvent - parfois en toute bonne foi - envie de prendre ses rêves pour la réalité. C’est à ce niveau que peut intervenir la " pragmatique critique" que nous évoquions dans notre premier chapitre. Mais avant d’aller plus loin, et comme nous entendons soutenir qu’elle peut avoir sa place au sein de la pensée poppérienne, il nous faut examiner plusieurs points, à commencer par l’idée que Popper se fait de la pragmatique.

 

   

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